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09/2012 Exposition "Les Cahiers de Soutter" - Rodez

Les Cahiers de Louis Soutter

Exposition temporaire - Musée Fenailles, Rodez

 

Exposition réalisée avec le soutien du musée cantonal des Beaux Arts de Lausanne, de la Fondation Le Corbusier, Paris, et de la collection Jean-David Mermod, Lausanne .

« Son Oeuvre dessinée est méconnue à un degré que l'on mesure peut-être mal » écrit Le Corbusier en 1932.

Il évoque par ces mots la profonde admiration qu'il porte d'emblée pour les dessins de son cousin, l'artiste suisse Louis Soutter ( 1871,1942).

Celui ci tient une place à part dans l'art du XXéme siècle ; artiste généreux et radical, personnalité rugueuse comme évanescente, il compose une œuvre d'une puissance fulgurante, loin des mouvements dominants et des avant gardes qui s'affirment alors. Cette force novatrice apparaît soudainement, après une lente et douloureuse défaillance physique et mentale, lors de son internement dans un asile de vieillards. Soutter noircit alors des centaines de pages d'écoliers de 1923 à 1930 ; bouleversant témoignage d'un récit intime né dans l'isolement, une forme d'exorcisme.

Dans l'écrin du Musée Fenaille, ces visions distordues, hallucinées, transforment notre regard sur les collections, décors romans, fragments de sculptures antiques, détails d'architecture, figures humaines composent alors un étonnant vocabulaire, lexique pour l'imaginaire.

Les cahiers de 1923-1930

L'oeuvre originale de louis Soutter commence véritablement en 1923. C'est le début de son internement. L'artiste a alors 52 ans. Il commence à dessiner, à la plume et à l'encre de chine, parfois à l'encre ordinaire bleu noir, ou plus simplement crayon de bois sur tous les supports : papiers, enveloppes, revers de lettres ; Quatre dessins par jour selon son programme. Il utilise surtout des cahiers d'écoliers , quadrillés ou lignés, qu'il couvre des dessins jusqu'aux bords, ponctués de mots hachés, de phrases sibylliques inscrites au verso. Ces cahiers forment des suites, de longs répertoires composées de plusieurs milliers des dessins. Certains sont conservés emballés dans du papier journal, dans sa chambre ; des feuilles sont données au gré des amitiés et des rencontres. Beaucoup ont disparus ; les pages sont aujourdh'ui dispersées, les cahiers démontés.

Présenté un à un, les dessins composent une surprenante chronologie fragmentée, où remontent à la surface du papier les thèmes et les obsessions de Soutter : figures d'hommes et de femmes, souvent lascives et inquiétantes, des anges, des dieux, des architectures tirées de monde anciens , des fleurs et des végétations luxuriantes, des projets de décoration murale, des ornements. Tout ce qui est réel rejoint ici le fantastique. C'est un « outre-monde ». Il construit un récit intime en clair obscur, où le blanc du papier et ses vides sont révélés. La couleur est absente. Le trait est rythmé, habité de pulsion et d'ondulations. Les figures et les motifs en suspension naissent d'un enchevêtrement de lignes et hachures. Les cahiers sont un encouragement. « Je suis décidé à peindre et à souffrir »

 

Louis Soutter

Né en 1871 à Morges, Soutter est d'une nature inquiète, d'un caractère taciturne et entier. Il se destine d'abord à une carrière d'architecte, il s'essaie à la peinture. La musique l'attire : aussi apprend t'il le violon à Bruxelles au côtés du violoniste Eugène Ysaÿe de 1892 à 1895. Il considère la musique comme son premier métier. La bas, il se familiarise avec l'oeuvre des peintres de son temps autour du « groupe des XX » : Ensor, Khnopff ou Van Rysselbergh … Il voit aussi en 1899, des œuvres de Odilon Redon, de Williams Morris, d'Audrey Beardsley... Il épouse en 1897 Madge Frursman et part aux Etats Unis ou il enseigne les beaux-arts au Colorado Sprins Collège.

Ce mariage est un échec cuisant ; commence alors la dégringolade de Soutter, revenu amaigri, désespéré des Etats-Unis. Aprés avoir été premier violoniste dans des orchestres à Lausanne et à Genève, il jouera dans les casinos, des cinémas ; il ne se plie pas à la discipline des groupes, a des absences en plein concert. Il dilapide la fortune familiale en vêtement de luxe , en frais de tailleur, en cravates. On le surnomme « l'anglais ». Mis sous tutelle par sa famille, il est enfermé dans un asile de vieillards à Ballaigues, des 1923 : une mort lente, jusqu'en 1942. Soutter dés lors se voit comme une victime expiratoire. Il ne se plaint pas de son dénouement, mais se dresse contre sa promiscuité avec des indigents et des vieux, avec qui il ne partage rien. Privé de violon, Soutter entreprend de dessiner dans ses « cahiers », comme une échappée belle. Viendront ensuite les « dessins matérialistes » (1930-1937) et les poignants « dessins aux doigt » ( 1937-1942). Les « cahiers » constituent le point de départ, le répertoire des origines.